Dans le cadre de la vente en cours du domaine de Grignon, l’Arbre de fer a réalisé des dossiers sur la sauvegarde de l’arboretum de Grignon et des propositions pour son avenir.
Voici ci-après un aperçu de la saga de cette vente.
Départ d’AgroParisTech
L’avenir de l’arboretum et du parc de Grignon est devenu incertain quand AgroParisTech a prévu de déménager ses centres franciliens à Palaiseau sur un nouveau campus près de l’école Polytechnique dans le cadre de l’opération d’intérêt national Paris-Saclay initiée vers 2006. Toutes les activités d’enseignement et de recherche seront donc transférées sur le plateau de Saclay dans un nouveau bâtiment en commun avec l’Inrae. Les quatre centres actuels de l’établissement en Ile-de-France ont vocation à être vendus afin d’abonder le budget de l’opération. Outre les centres parisiens situés avenue du Maine (Paris XIV, à proximité de la gare Monparnasse) et rue Claude Bernard (Paris V, sur la montagne Sainte Geneviève), cela concerne le centre avenue des Olympiades à Massy (proche de l’opéra) et donc le centre de Grignon.
Ce déménagement marquera la fin d’une phase d’occupation du site par un établissement à vocation agronomique depuis 1826, à l’origine de la création de l’arboretum en 1873 :
Vente du domaine de Grignon
Dès 2015, il avait été évoqué publiquement une vente du domaine au club de football Paris-Saint-Germain (PSG) pour son futur centre d’entraînement (Poissy choisi au final en juin 2016), puis au Qatar pour une résidence de prestige. On peut entre autres consulter un éditoral du maire de Thiverval-Grignon et un article du Courrier des Yvelines publiés en septembre 2015, en décembre un article de Capital évoquant un montant de 34 millions d’euros et un article du Figaro sport sur un projet pharaonique à 300 millions d’euro, le billet de Denis Cheyssoux dans son émission CO2 mon amour du 20 février 2016, un reportage de Reporterre du 10 mars puis du 19 mai, un article du Monde le 14 mars, un article de l’Express du 24 mars. Une mobilisation citoyenne avait alors permis de contrer ce projet.
Le domaine de Grignon a été mis en vente par les domaines de l’Etat (direction immobilière de l’Etat, ministère de l’économie et des finances) en mars 2020 sous la forme d’un appel à manifestation d’intérêt avec un choix final de l’acquéreur prévu en 2021. Comme procédé notamment dans le cas du site situé rue Claude-Bernard à Paris, le déménagement d’AgroParisTech se produira après la vente et ne sera pas achevé avant fin 2022.
La vente concerne le domaine intra-muros en entier, à l’exception d’une petite partie constituée des terrains historiques utilisés pour les essais agronomiques de Pierre-Paul Dehérain (les « stations » situées à l’ouest le long du ru). La ferme expérimentale conserve ses locaux sur le plateau au-dessus du domaine mais son accès aux terres agricoles intra-muros n’est plus garanti. Le règlement d’appel à candidatures précise que « les emprises foncières concernées par la présente cession contiennent a minima les emprises de la zone UD du PLU » [plan local d’urbanisme de 2015] et que « le dossier de candidature portera sur la totalité de la partie urbanisée (zone UD du PLU). Le candidat aura également la faculté de faire une offre complémentaire et de proposer un projet intégrant aussi tout ou partie des espaces boisés et terres agricoles intra-muros hors parcelles expérimentales (en hachurés rouges au plan cadastral) ».
Début 2021, quatre des dix dossiers initiaux de candidature avaient été retenus pour la dernière phase de la procédure de vente :
- Le projet Grignon 2026 de campus européen d’échanges, d’innovations et de formations dédié à l’agriculture, l’alimentation et l’environnement. Ce projet, porté par l’association Grignon 2000 des anciens diplômés de l’École nationale supérieure d’agronomie de Grignon et par le Collectif pour le futur du site de Grignon (CFSG) avec le soutien de la communauté de communes Cœur d’Yvelines (CCY), « entend se donner les moyens de garder l’unité du site et construire l’avenir en liaison étroite avec les anciens élèves de l’école AgroParisTech, les collectivités locales et territoriales, les administrations concernées, les entreprises publiques, privées et coopératives partenaires et tous les amis de Grignon et d’AgroParisTech ». Concrètement, il est prévu :
- un centre de colloques et de séminaires,
- un centre de formation,
- un incubateur de jeunes pousses (startup),
- l’accueil de centres de recherche et d’expérimentation,
- la mise à disposition des résidences étudiantes pour des étudiants d’AgroParisTech ou d’universités voisines,
- l’ouverture du parc au public avec poursuite des activités associatives existantes (SHG, Arbre de fer, Club géologique, chasse, etc.),
- l’exploitation des terres agricoles intra-muros par la ferme expérimentale d’AgroParisTech,
- un parcours muséal ouvert au public en fin de semaine et pendant les vacances, comprenant le musée du Vivant avec un Centre d’information sur l’eau et la forêt dans le pavillon Dehérain, un parcours botanique dans l’arboretum et le jardin anglais, un musée des arômes et des parfums ainsi qu’un musée de la vigne et du vin.
- Le projet immobilier du promoteur Altarea-Cogedim avec une programmation résidentielle, une « maison de la Nature et du Vivant » et la réhabilitation du château en un campus de séminaires.
- Le projet d’un campus de formation en agriculture (le groupe UniLasalle a été évoqué) et de transformation hôtelière du château, porté par l’aménageur Grand Paris aménagement associé à REI habitat.
- Le projet de nature inconnue du promoteur Novaxia, qui n’a pas eu de suites.
Le projet de Grignon 2000, soutenu par toutes les associations locales au domaine de Grignon, porte l’espoir d’une continuité d’activité de formation dans les domaines de l’agriculture, l’alimentation et l’environnement, tout en préservant et mettant en valeur ces patrimoines inestimables. Il est soutenu par toutes les associations locales (Club géologique d’Ile-de-France, SHG et donc Arbre de fer).
En mars 2021, alors que la procédure de mise en vente du domaine arrivait à son terme, les étudiants d’AgroParisTech se sont mobilisés à leur tour pour la défense du site en mettant avant la transition écologique. Un collectif Stop Privatisation Grignon a mené une opération de blocage du campus pendant trois semaines à partir du 17 mars pour obtenir un report de la vente. Il n’a pas eu gain de cause mais il a réussi à médiatiser la situation et recueillir le soutien de nombreuses personnalités politiques (Clémentine Autain, Delphine Batho, Julien Bayou, André Chassaigne, Yolaine de Courson, Sandrine Le Feur, Fabien Gay, Audrey Pulvar, Ghislaine Senée, Cédric Villani, …). Le collectif s’est transformé en l’association Cercle (construisons ensemble une réflexion collective étudiante) afin de poursuivre son combat, portant notamment sur un classement du domaine (au titre des monuments historiques ou au patrimoine mondial de l’Unesco), la mise en place d’un laboratoire participatif (living fab) en agroécologie et une gouvernance du site après la vente.
Voir les présentations sur le site dédié (https://sauvonsgrignon.fr/). Leur mouvement a fait l’objet de nombreux reportages et articles : Reporterre, Le Monde, BastaMag, Mediapart, Le Parisien, Humanité, Reussir, Actu.fr, La Terre au carré sur France Inter, Franceinfo etc. Deux questions écrites ont été déposées à l’assemblée nationale (André Chassaigne le 7 avril) et au sénat (Fabien Gay le 15 avril). A noter aussi les articles sur le patrimoine architectural et historique par Didier Rykner dans la Tribune de l’art (6 mars, 29 mars, 5 avril).
Le choix final du projet d’Altarea Cogedim a été communiqué aux candidats au coeur de l’été début août par la direction immobilière de l’Etat. Il a immédiatement suscité des réactions de contestation non seulement par les porteurs du projet Grignon 2026 (CFSG, Grignon 2000) mais aussi au niveau politique (S. Primas et G. Larcher sénateur-rice des Yvelines, N. Gohard mairesse de Thiverval-Grignon, etc.), relayées par de nombreux médias : La Croix, l’Humanité, France 3, France Inter, France Culture, 78 actu, Terre-net, l’Info durable, Marianne, …
Une manifestation d’opposition au démembrement du site, et pour un centre international dédié à l’agriculture, à l’alimentation et à l’environnement à Grignon sans promotion immobilière, a réussi le 11 septembre une belle mobilisation d’environ 500 personnes devant l’entrée du campus (habitant-es de la commune, associations locales, syndicats d’AgroparisTech et Inrae, étudiant-es, ancien-nes de l’école, sympathisant-es, etc.). Les élus locaux sont venus en nombre, notamment : Nadine Gohard maire de Thiverval-Grignon, Bertrand Hauet vice-président de la communauté de communes Coeur d’Yvelines (CCCY) et maire de Saint Germain de la Grange, Sophie Primas sénatrice des Yvelines, Joséphine Kollmannsberger vice-présidente du département déléguée à l’environnement et maire de Plaisir, etc. Plusieurs personnalités politiques se sont aussi exprimées lors du rassemblement : Yannick Jadot (Europe Ecologie-Les Verts), Delphine Batho (Génération Ecologie), Ghislaine Senée (Alternative Écologiste et Sociale au conseil régional d’Île-de-France) et Cédric Villani. Articles parus dans Le Monde, Actu78, Le Parisien, Reporterre. Plusieurs révélations ont mis à jour les dessous financiers de la privatisation du domaine de Grignon (MediaPart le 28 octobre, Grignon 2026 le 26 octobre).
Suite aux nombreuses protestations et aux recours engagés contre l’adjudication du domaine au promoteur Altarea Cogedim, le gouvernement a finalement décidé mi novembre 2021 d’annuler la procédure de vente, en la reportant au second semestre 2022 (cf. le communiqué du préfet des Yvelines du 15 novembre 2021).
En 2022, Grignon 2000 a continué de renforcer son projet (“Grignon campus“) avec la communauté de communes Cœur d’Yvelines et la mairie de Thiverval-Grignon ; en complément, il a répondu à un appel à manifestation d’intérêt (AMI) “Démonstrateurs territoriaux des transitions agricoles et alimentaires” conjointement avec d’autres organismes et associations pour un budget visé de 15 millions d’euros. Le dossier de la vente du domaine s’est réveillé en novembre 2022 du côté préfectoral avec notamment des réunions interministérielles à Matignon. Le conseil départemental des Yvelines (CD78) envisagerait d’acheter le domaine, sans doute en s’associant avecun promoteur comme iXcampus. De son côté, AgroParisTech a terminé fin décembre le déménagement vers son nouveau campus francilien Agro Paris-Saclay à Palaiseau mais réfléchit toujours à l’avenir de Grignon avec notamment l’association des alumni (APTA) et sa fondation.
Protection du patrimoine naturel
L’association de l’Arbre de fer s’inquiète du devenir du parc de Grignon en l’absence de concertation. Aucune information et a fortiori aucune garantie officielles n’ont été communiquées lors de la procédure de vente. Beaucoup de questions essentielles restent sans réponse : que deviendront l’ensemble singulier en biodiversité constitué par le parc, la forêt et les zones ornementales telles que l’arboretum historique ? seront-elles privatisées sans accès public possible ? comment protéger ce patrimoine naturel à caractère national et faire respecter le fruit du travail et de l’investissement de nombreuses générations et du renouvellement en cours rendu possible par la participation de nombreux donateurs et donatrices ?
L’Arbre de fer demande de véritables protections pour ce patrimoine, constitué en premier par l’arboretum bien sûr mais aussi par le parc avec toutes ses richesses botaniques et faunistiques. Afin d’alerter sur cette situation et défendre tout projet assurant une protection et une ouverture de ce patrimoine au public, l’association effectue des démarches auprès d’acteurs multiples. Elle a réalisé à cet effet des dossiers sur l’arboretum de Grignon et des propositions pour son avenir. Philippe Jauzein (botaniste, président d’honneur de l’Arbre de fer) a rédigé en 2021 une notice sur l’avenir de la flore de Grignon.
L’Arbre de fer soutient toutes les initiatives de protection du domaine et de conservation de son intégrité. A cet effet, elle collabore avec les autres associations locales Grignon 2000, Club géologique Ile-de-France, Société hippique de Grignon et le Collectif pour le futur du site de Grignon (CFSG). Elle a notamment participé en 2016 aux marches contre la vente du site de Grignon aux PSG et pour son avenir comme bien commun public, scientifique et écologique (marches des 16 janvier et 12 mars 2016).
En mai 2020, le conseil d’administration de l’Arbre de fer a décidé de soutenir le projet de reprise du site « Grignon Campus » élaboré par Grignon 2000 avec le CFSG.
En 2022, l’association a obtenu un double soutien bienvenu. En premier, le Jardin botanique de Paris a fait don d’un lot de plaques d’identification botanique au printemps. En second, l’association ARBRES a attribué en automne à l’arboretum son label “ensemble arboré remarquable”. Qu’ils en soient remerciés ici.